Ulysse Nardin : Révolution Silicium
La quête de la précision est l’un des piliers de l’horlogerie mécanique. Le silicium est devenu l’une des pistes les plus explorées du XXIème siècle. Sigatec, joint-venture à parts égales entre Ulysse Nardin et Mimotec, est à la pointe de cette technologie et offre de nouvelles possibilités à la marque de La Chaux-de-Fonds. Plongée au cœur de l’innovation.
L’objectif est clair : la recherche de la précision grâce à la technologie de la micro-électronique. Nous sommes ici loin des établis habituels de la haute horlogerie. Géographiquement d’abord, au cœur du Valais, à Sion, proche des vignobles en coteaux réputés de la région. Techniquement aussi : nous pénétrons dans une véritable salle blanche pour aller découvrir cette technologie du futur, déjà très présente.
Pari sur l’avenir
Un petit retour sur le passé s’impose. Mimotec est l’un des précurseurs de la technologie LIGA, il y a plus de 20 ans. Sur des « wafers » en silicium, ils créèrent des cavités en résine SU8 pour permettre la croissance métallique pour produire des composants. Ces « moules » étaient détruits après chaque opération. Mais la technologie se développant, les possibilités s’affinèrent. Le savoir-faire aussi.
Dès le début des années 2000, Ulysse Nardin commença à se pencher sur les potentialités du silicium. En 2001, elle fut la première marque horlogère à présenter, avec la Freak, un garde-temps avec des composants d’échappement en silicium. Ce fut le début de l’histoire. Ulysse Nardin décida d’investir dans cette technologie innovante. La manufacture voulu lancer une vraie fabrication en silicium en propre.
Elle créa donc, en 2006, avec Mimotec, une entité séparée, Sigatec. Un véritable pari sur l’avenir puisqu‘à l’époque la production de composants horlogers en silicium était essentiellement expérimentale. Aujourd’hui, Sigatec est l’une des rares entreprises à avoir le droit de produire des spiraux en silicium. Et Ulysse Nardin la seule marque hors consortium (Patek, Rolex et Swatch) à pouvoir créer un échappement complet dans cette matière d’avenir.
Savoir-faire et matériau uniques
La force de Sigatec réside dans la maîtrise d’un savoir-faire : la DRIE (Deep Reactive Ion Etching) sur silicium monocristallin. Véritable technologie hybride entre la photographie et la gravure en 3D. C’est un processus sans contact qui utilise uniquement la lumière, le gaz, la chaleur, la chimie et la physique. D’où la salle blanche pour exclure la moindre poussière.
Le silicium est largement utilisé dans l’industrie des semis-conducteurs et en particulier celles des MEMS (Micro-Electro-Mechanical Systems) qui nécessitent des composants minuscules, aux formes complexes et à la fiabilité extrême. Ses propriétés semblent correspondre parfaitement aux besoins de la micro-mécanique de précision qu’est l’horlogerie.
Avantages indéniables
Sa densité inférieure de 15% à celle de l’aluminium lui confère une légèreté phénoménale. Il est totalement amagnétique, problème de plus en plus pressant dans notre société sur-connectée. Il est souple avec une forte élasticité qui lui permet de reprendre sa forme initiale parfaitement. Sa résistance est grande et sa durabilité ne s’altère pas avec le temps (pas de phénomène de fatigue). Il ne nécessite pas de lubrification grâce à sa couche d’oxyde de silicium autolubrifiante. Cette dernière lui confère aussi une insensibilité aux variations thermiques. Cela fait beaucoup de bonnes raisons de pousser son exploitation plus loin.
Un processus complexe
Par des expositions successives à différents plasmas (4ème état de la matière), le silicium va donner naissance aux composants préalablement définis par le masque. À chaque étape, un polymère de passivation va recouvrir la surface gravée pour la fixer. Difficile de vulgariser un process aussi compliqué ! Le résultat final est bluffant. Les composants se matérialisent, souples mais résistants, en des géométries fines et complexes.
L’étape ultime réside en une manipulation ultra secrète qui va former une couche de dioxyde de silicium à la surface du composant pour durcir et stabiliser les pièces et offrir une finition digne de la haute horlogerie. Savoir-faire ultime de Sigatec. Avantage concurrentiel pour Ulysse Nardin.
La Freak neXt
Ulysse Nardin dévoile le fruit de cette technologie et de ce savoir-faire avec sa Freak neXt cette année. Dernière évolution de la famille, le garde-temps ultra moderne arbore fièrement un carrousel volant et un balancier volant révolutionnaire aux lames flexibles en silicium. Hypnotisant ! L’oscillateur n’a pas de pivot ! Il flotte littéralement sans pont de balancier. La seule friction est désormais celle de l’air. La réserve de marche s’en trouve améliorée à 70 heures avec une fréquence de battements de 12 Hz.
On est très loin du principe de base balancier-spiral traditionnel. Nous sommes dans l’horlogerie du 21ème siècle ! La Freak neXt en est le vaisseau amiral avec son look quasi spatial, tout de blanc vêtu avec ses tubes de Superluminova qui encadre le pont du mouvement baguette. Seuls les reflets de la lumière sur les composants volants en silicium apportent des touches de couleurs vert, bleu, violet. Star TreX ? 2001 OdysseX de l’espace ? L’univers horloger de Ulysse Nardin est en Xpansion.
Stéphane Von Gunten, directeur de la Recherche et de l’Innovation de Ulysse Nardin, s’enthousiasme d’ailleurs : « C’est une vraie révolution dans l’horlogerie. Cette technologie atteint des niveaux de précision sur les composants de l’ordre du 10ème de micron. Elle offre de plus une liberté totale de la forme. Enfin, grâce au savoir-faire unique développé au sein de Sigatec depuis 2006, nous atteignons les niveaux de finitions de la haute horlogerie traditionnelle avec des flancs poli miroir. Notre maîtrise de la technologie s’affine de jours en jours. »
La révolution du silicium est clairement en marche...et Ulysse Nardin est assurément dans l’armada intergalactique de tête.
(Photos par Liam O'Donnell & Ulysse Nardin)