Wines & Watches Vintages: How Deep Runs The Correlation ?

Vins et Montres - Une corrélation des millésimes ?

Deux passions dévorantes, deux sources de plaisirs, d’échanges, de partage infinis. Ces deux domaines inspirent. Sont-ils liés dans leurs créativités, leurs développements et leurs résultats finaux ? Question existentielle majeure.

Par Benjamin Teisseire
Contributeur

L’histoire viticole, qui remonte à plus de 8000 ans, est plus ancienne que celle de la mesure du temps que l’on retrace à près de 5 ou 6000 ans. Celle de l’horlogerie mécanique, datant du 10ème siècle, est encore plus récente. Ces deux artisanats ont toutefois en commun d’inspirer la passion des collectionneurs invétérés aux amateurs éclairés. Ils ont aussi la particularité d’introduire la notion de millésime, très liée à celle de « vintage » surexploitée en horlogerie depuis plusieurs années.
 

Retracer leurs histoires en parallèle demanderait bien plus que les quelques mots qui vont suivre. Le choix a donc été fait de ne prendre en compte que le 20ème siècle, de se concentrer sur les montres de poignets, et de voir dans quelle mesure une corrélation existe entre les millésimes marquants de ce deux univers passionnants. En toute subjectivité, sans aucune utilité fondamentale, pour le simple plaisir d’aborder des sujets que l’on aime.

Les aléas de la nature, propres aux millésimes viticoles, ne sont pas maîtrisables et influent directement sur la qualité de ceux-ci. Parallèlement, les conjonctures économiques influent-elles aussi sur la qualité des créations horlogères ? Dans tous les cas, qui sauvent qui ?

Millésimes de crise 

La créativité des marques se déchainerait-elle en période de crise grave ? De même, la nature déciderait-elle de réconforter l’humanité avec des millésimes viticoles exceptionnels dans ces mêmes périodes ? On pourrait bien le penser en observant les merveilles – horlogères et vinicoles – créées à la fin des années 20, début 30’, au moment d’une crise économique noire.
 

L’Oyster de Rolex voit le jour en 1926, jalon incontournable de l’horlogerie mécanique. En 1927, Patek Philippe dévoile la montre la plus compliquée du monde : l’incomparable Packard. En 1929, Jaeger-LeCoultre crée le mouvement le plus petit du monde : le calibre 101 de moins de 1g, comprenant 74 composants. En 1930, les montres de poche sont détrônées pour la première fois par les montres de poignets pour les volumes vendus. Et en 1931, Rolex Perpetual invente le remontage automatique avec sa masse oscillante sans butée : le rotor est né !
 

En parallèle, la viticulture donne des millésimes extraordinaires – certains vins sont encore à boire de nos jours à près de 100 ans – en Bordelais (1928 & 1929), en Bourgogne (29), dans le Rhône (28), la Champagne (28&29) ou le Sauternes (26 & 29). Le lien entre les deux existe donc peut-être bien...
 

Millésimes de réconfort

De même, à la sortie d’événements planétaires traumatisants, le vin s’ingénie à être fantastique. 1945, année mythique dans tout le vignoble, marque le début des Trente Glorieuses avec sa série de millésimes légendaires : 1947, 1949, 1955, 1957, 1959 et 1961.
 

L’horlogerie mécanique propose, elle aussi, des avancées majeures. Les designs des années 50 et 60 se multiplient et forgent l’horlogerie mécanique moderne. Ils sont aujourd’hui largement repris, revus et relancés, preuve de leur valeur inestimable. En 1955, Vacheron Constantin lance l’ultra-plate. Puis la Rolex Oyster Spéciale descend au fond de la fosse de Marianne à -10916 mètres. En 1969, une première mondiale fera entrer dans l’histoire une montre désormais iconique, au sens le plus vrai de ce terme si galvaudé : l’Omega Speedmaster marche sur la lune. Un moment tellement fort qu’il en a presque éclipsé la sortie la même année de trois autres garde-temps tout aussi emblématiques : la Zénith El Primero et le calibre 11 des chronographes Heuer et de la Chrono-matic de Breitling.
 

Dans le vignoble, la situation est moins fastueuse au début des années 70...Est-ce l’approche de la montre à Quartz qui dérange ? La Nautilus en 1972 et la Royal Oak en 1976 auraient pourtant bien méritées d’avoir leurs pendants en bouteilles ! On ne peut pas tout avoir, semble-t-il, sauf peut-être en Sauternes où 1970, 1971 et 1976 sont trois très grands millésimes, dont la puissance aromatique pourrait égaler la marque laissée par les deux monstres sacrés dans l’histoire horlogère.
 

Nouvelle crise, nouveau départ

Fin des années 70, la crise du Quartz atteint son apogée. Le quartz dépasse le mécanique pour la première fois. L’horlogerie mécanique est à l’agonie. Le vin vient tenter d’apporter un peu de joie avec un très grand 1978 en Bourgogne, mais ce sera un peu court. Heureusement, les années 80 arrivent à la rescousse dans les deux secteurs. La Swatch est lancée en 1982 aux US (83 en Europe) et Jean-Claude Biver clame haut et fort que Blancpain ne fera jamais que des garde-temps mécaniques. La cavalerie est arrivée ! 1985 voit la création de l’AHCI, véritable vivier de la recherche horlogère mécanique et de créativité. Cela marquera le début des « indépendants », aujourd’hui incontournables.
 

La viticulture y répond avec fracas aussi en sortant des millésimes d’anthologie comme 1982, 1985, 86, 88 et le superlatif 1989, millésime du siècle pour certains ! Cette même année, Patex Philippe fête ses 150 ans et le retour en fanfare de l’horlogerie mécanique avec son Calibre 89 et ses 33 complications. C’est le début de l’euphorie. Franck Muller dévoile son Aeternitas Mega en 1992 et les montres deviennent « Oversized » avec la Royal Oak Offshore d’Audemars Piguet en 1993. Lange & Söhne renaît de ses cendres et lance l’immanquable aujourd’hui Lange 1. C’est aussi le début de la montée des indépendants, Philippe Dufour en tête avec sa Duality en 1996.
 

Dans le vignoble, 1990 pose aussi son empreinte, suivi de 1995 et 1996. C’est l’éclosion des vins de « garage », des micro-productions et de l’envolée des prix...comme dans l’horlogerie. Pour arriver à l’année 2000 tant attendue, qui coïncide avec la naissance du champion des indépendants, Richard Mille, en 2001. 2005 et 2009 sont les derniers grands millésimes notoires. Les suivants sont encore trop jeunes pour réellement les juger.
 

Côté mécanique horlogère, on se doit de citer la seule vraie révolution de ces dernières années avec la Bulgari Octo Finissimo de 2012, qui commence à atteindre le statut de véritable icône auprès des passionnés. L’avenir dira si le retour à la mode « vintage » adoptée par de nombreuses marques actuellement produira des millésimes marquants.
 

Une chose est sûre, seul le temps permet de savoir si un millésime est bon, exceptionnel ou mythique. La différence majeure réside peut-être dans le caractère éphémère du vin qui disparait une fois dégusté. Contrairement aux mécaniques horlogères qui demeurent pérennes et peuvent être passées de génération en génération. L’amour du vin et de l’horlogerie peut – et doit – être transmis. Pour que se perpétue le plaisir des deux. C’est sans doute là leur plus grande corrélation.
 

(Photos par Pierre Vogel)

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