IWC : Plongée dans la manufacture du futur
Qui mieux qu’un CEO peut penser l’organisation d’une unité de production pour optimiser les processus et les flux ? Un architecte industriel peut-être. C’est la double chance de IWC. Christoph Grainger-Herr, CEO de IWC, possède les deux compétences. Visite entre technologies de pointe, Nature et bien-être.
Il y a 12 ans, M. Grainger-Herr a été embauché par IWC pour réaliser le musée IWC dans le quartier général de Schaffhouse. Une décade plus tard, il est à nouveau à l’origine de la nouvelle manufacture inaugurée pour les 150 ans de la marque l’année dernière avec la double responsabilité d’architecte et de CEO. La vie est bien faite chez IWC.
Il a ainsi pu concevoir un bâtiment qui non seulement rassemble sous un seul toit la production de composants, de mouvements manufacture et de boîtes, mais aussi fluidifie les différentes étapes de production et crée des conditions de travail optimales pour les employés. Le tout offre un spectacle captivant que la manufacture de Schaffhouse a judicieusement imaginé pour être vu par le plus grand nombre. En effet, un circuit de visite, précis comme un mouvement IWC, permet aux quelques 10.000 visiteurs attendus chaque année d’appréhender pleinement le travail effectué dans les locaux.
Un havre de paix
Nous arrivons dans un cadre unique, en pleine nature, baigné de lumière. Le contraste est saisissant entre les lignes épurées blanches et noires du bâtiment de verre, de béton et de bois et les collines alentours ondulées et recouvertes de forêts verdoyantes. Nous pénétrons dans un écrin qui marrie parfaitement le meilleur de la technologie et le calme de la nature.
Les hauts-vents protègent de trop de lumière tout en laissant la possibilité à celle-ci d’inonder l’édifice. Le sous-sol abrite les machines de production lourdes des boîtes pour que le bruit et les vibrations aient le moins d’impact. L’étage principal regroupe toutes les étapes de production. Des composants aux platines. Le pré-assemblage des platines et ponts viennent ensuite. Puis les horlogers et le contrôle qualité à chaque étape. Les plafonds sont hauts, très hauts, pour une impression d’espace, de volume apaisant. Rien n’est laissé au hasard.
Le dernier étage s’ouvre, lui, sur une terrasse où les employés peuvent profiter d’un moment reposant, en pleine nature. De là on peut noter la présence de nombreux panneaux solaires et de toits végétalisés. IWC a aussi conçu cette manufacture pour réduire au minimum son empreinte carbone. Tout est calme, sérénité, fonctionnalité. Tout est propice au travail efficace et pensé pour améliorer au maximum les flux et la qualité.
Un outil industriel de haute technologie
Des machines issues des dernières technologies de pointe produisent plus de 1500 composants différents pour créer les nombreux mouvements in-house de la manufacture de Schaffhouse. De même, les barres de bronze, d’acier, de titane et de Ceratanium® attendent leurs tours pour donner naissance aux boîtiers IWC. La robotisation est omniprésente pour permettre un travail fluide et une précision accrue. La technologie se développe et contribue de plus en plus à la qualité finale. Le bras robotisé prélève les platines et les place dans la machine. Celle-ci sélectionne elle-même l’outil à utiliser pour la/les tâches programmées. C’est prodigieux. Les platines, les ponts arrivent en un flux quasi continu. Ils passent ensuite à l’empierrage où une nouvelle machine vient placer les rubis avec une précision au laser. C’est fascinant.
La qualité à la sortie des machines impressionne. Boîtes, platines et composants fraîchement usinés semblent prêts à l’usage alors qu’ils n’ont même pas encore été anglés et contrôlés. Les plus fins ou compliqués sont réalisés par érosion électrique. Nous sommes vraiment à la pointe de la technologie.
Cependant, l’homme y a encore sa place. Dans l’atelier de décoration, le perlage des platines se fait toujours à la main. Il semble que la machine n’arrive pas encore à atteindre la brillance recherchée lors de cette opération délicate. De même, les finitions des boîtiers sont encore faites à la main. Tout comme l’assemblage des mouvements. Après les différentes étapes de production, des kits de pré-montage sont élaborés et passent au montage en ligne à la main.
Qualité, formation et communication
Nous pénétrons pour la première fois dans la fameuse « pièce blanche » où l’assemblage se déroule. C’est une salle où la pression est supérieure à celle de l’extérieur afin d’empêcher toutes particules de poussières de pénétrer et l’air est brassé à raison de 50.000m3 par heure. C’est un environnement quasi hospitalier, d’où son nom. Chaque ligne est dédiée à un calibre. C’est très impressionnant.
Stefan Jung, associate Director Production Components, nous explique : « Aucune machine n’est capable d’assembler tous les composants d’un mouvement et lui donner vie. L’assemblage est divisé en un certain nombre de tâches - selon le concept du visionnaire F.A. Jones - auxquelles s’attèlent du personnel expert ». Chaque spécialiste reçoit 5 calibres sur lequel il doit effectuer une tâche spécifique avant de passer son lot de 5 au spécialiste suivant qui effectuera la prochaine tâche.
Cela évoque immédiatement la taylorisation, le travail à la chaine, répétitif...mais M. Jung sourit et réplique que la démarche ici est tout autre : « Le but premier est la recherche obsessionnelle de la qualité. Et l’efficacité en fait partie. La division en sous-tâches permet d’obtenir des spécialistes, de former le personnel à de nouvelles compétences, rapidement, précisément. C’est aussi un moyen très efficace pour transmettre des savoir-faire. Avant d’adopter ce système nous avons testé de nombreuses autres configurations. Celle-ci s’est avérée la plus efficace avec des gains de productivité à deux chiffres et un ratio qualité/rapidité inégalé. Les compétences se développent très vite, de même que la polyvalence. En effet, les spécialistes qui travaillent sur ces lignes vont régulièrement changer de tâches pour élargir leurs savoir-faire. C’est un outil de formation incroyable ».
De plus, le personnel effectue lui-même les contrôles qualité obligatoires ce qui optimise encore la courbe d’apprentissage et responsabilise les employés. En bout de ligne, les 5 calibres sont vérifiés encore une fois par des horlogers/retoucheurs, ce qui garantit un contrôle qualité très poussé. Mais IWC ne s’arrête pas là. La manufacture met en place son propre outil de contrôle de précision qui va tester pendant 10 à 12 jours la bonne marche du calibre dans toutes les positions. On ne badine pas avec la qualité chez IWC.
Force est de constater que peu de manufactures sont aussi modernes, précises, avec des contrôles qualité aussi drastiques. On comprend pourquoi IWC a aussi conçu ce Manufakturzentrum comme un lieu de visite. Quand on a un tel spectacle à montrer, il serait dommage de le cacher.
Chronographe Spitfire
Au travers de cette visite exceptionnelle, nous avons suivi de A à Z tout le processus de fabrication du dernier chronographe Spitfire et son fameux calibre 69000. Nous avons vu la création de sa nouvelle boîte légèrement plus moderne, aux cornes plus plongeantes qui se posent parfaitement sur le poignet. Le travail de finition brossée des flancs et des cornes, alors que la lunette et les arêtes de la boîte sont polies miroir pour un réel saut qualitatif malgré toute sa sportivité. Nous avons pu admirer les décorations du mouvement 69000 ainsi que la chaine de montage en ligne dans toute sa précision.
Et nous avons enfin eu le plaisir de porter ce chronographe emblématique de IWC dans sa version Spitfire avec son cadran noir mat, ses trois sous-cadrans légèrement abaissés pour une lisibilité parfaite. Cette dernière encore améliorée par les deux guichets à 3 heures qui indiquent le jour de la semaine et la date, ainsi que par les index rectangulaires enduits de Superluminova couleur sable à l’instar des aiguilles en lance évasée. Pour parfaire encore le look très militaire, très pilote, l’index triangulaire à midi encadré de ses deux points vient rehausser l’ensemble. Redoutable d’efficacité comme le nouveau Manufakturzentrum de la marque de Schaffhouse.
Pour conclure, saluons la transparence de IWC qui embrasse le futur et l’assume pleinement en l’exposant aux yeux de tous. La manufacture de Schaffhouse montre que l’horlogerie mécanique sait se moderniser, innover et user des dernières technologies tout en conservant l’attrait de ses savoir-faire humains qui lui confèrent toute sa richesse émotionnelle. Dernière bonne nouvelle : avec près de 250 collaborateurs pour une capacité de 400 personnes, il reste encore de la place pour que la marque se développe.
(Photos par Pierre Vogel, Vidéo par Léon Orlandi)