Les secrets de la réussite d’Omega: l’approche unique à 361 degrés
En visite aux Etats-Unis, M. Aeschlimann, Président et CEO d'Omega, s’est entretenu avec Watchonista.
Sous sa direction, Omega a connu un regain d'intérêt pour la Speedmaster et la Seamaster. La marque revisite maintenant son passé en tournant vers l'avenir. Interview confession.
Entretien avec Raynald Aeschlimann
Josh Shanks : 2018 a été une grande année pour Omega, un bref retour en arrière s’impose. Comment la marque s'est-elle comportée l'année dernière ?
Raynald Aeschlimann : Je pense que nous pouvons être très fiers d'Omega ! Parce que cette année, nous avons travaillé sur de nombreux aspects de la marque, et sur des aspects où nous devions être très prudents. Nous terminons maintenant la Seamaster 300m (Lire la suite ICI), et je suis certain de son succès, j’en ai la conviction !
J'entends les boutiques se plaindre quand elles ont deux montres dans la vitrine et qu’on leur dit : "Il faut toujours avoir un minimum de huit dans la vitrine ! Il est impératif de faire étalage de toutes vos forces." Et elles répondent : "On n'a plus de montres !" Et vous savez, pour moi, c'est la magie de la marque, la magie de l'équipe, et ce que je voulais faire en tant que PDG.
JS : D'un point de vue marketing, comment voyez-vous vos efforts porter leurs fruits en termes de ventes ?
RA : Nous avons réussi à passer continuellement - pendant un certain temps - sur la Speedmaster et la Seamaster pour les rendre plus attrayantes et pour respecter ce qu'elles sont. Mais aussi, en les présentant d'une manière cohérente pour la marque. Et je pense que cela se vérifie dans les ventes. On le voit dans les parts de marché. On le note également aux Etats-Unis et dans les ventes dans les magasins. Les gens reçoivent notre message et ils sont prêts à venir nous rendre visite. Il y a beaucoup plus de circulation que jamais auparavant de nos montres dans nos magasins. Donc oui, nous entrons dans une très, très bonne année. Je peux dire que la marque a fait évoluer ses forces. Avec les nouvelles collections De Ville et Trésor, et Kaia Gerber, nous montrons au monde qu'il est bon de parler de ses piliers, mais c'est aussi très intéressant de voir qu'Omega est maintenant au parfum de ce qui se passe dans le monde.
Il ne s'agit pas de parler en vain de la Génération Y, mais de maitriser les codes de cette nouvelle génération, et qui est très intéressée d’avoir de nouvelles lignes, ce qui sera certainement une première, pour les femmes seulement. Et c'est très important pour moi. Il s'agit de prouver que nous sommes solides en nous appuyant sur nos fondamentaux et que nous pouvons aussi ajouter un plus quand nous nous trouvons sur un créneau, un marché et que nous avons une demande. Parce que plus que n'importe quel créneau ou marché, il est imporant de répondre à la demande. Je m'attends donc à ce que nos ventes au détail atteignent un très haut niveau et à ce que de nouveaux clients viennent dans nos boutiques pour découvrir notre marque.
JS : La marque a de l'énergie à en revendre. À titre d'exemple, j'ai acheté cette Speedmaster l'an dernier, et j'ai l'impression d'acheter une nouvelle Speedmaster chaque année.
RA : Waouh !
JS : Vous parlez beaucoup de piliers, de fondamentaux de la marque, et les gens me posent sans cesse des questions sur le marché horloger tel qu'il existe aujourd'hui. Je leur explique qu'il y a deux piliers principaux sur le marché horloger d'aujourd'hui. Tout d'abord, les pièces modernes hautement désirables dont il y en a peut-être dix, et Omega est sans aucun doute incluse dans cette conversation. Deuxièmement, il y a le monde du vintage, et après cela, il y a tout ce qu'il y a entre les deux. Omega a toujours fait un excellent travail en étant toujours hautement désirable dans toutes les des discussions. Vous regardez la Snoopy, la Speedy Tuesday, et l'édition Hodinkee, c'est comme un tube à succès après l'autre. Y a-t-il, dans votre esprit, une recette secrète ?
JS : Sans donner de secrets d'Etat évidemment. [Rires]
RA: Non, non, non ! Honnêtement, les gens peuvent comparer nos succès à l’industrie des tubes, mais je suis assez modeste pour vous dire qu'en fin de compte, c'est le travail d'équipe qui paie. Apollo 8, et Dark Side of the Moon, c'est presque poétique, c'est exactement ce que j'appelle les 361 degrés d'Omega. Je ne suis pas Jean-Claude Biver, je ne dis pas ça. Mais je dis que l'équipe, mon équipe, la marque, je leur dis toujours de tout faire correctement, d'y apporter la passion et d'avoir des idées et nous les soutenons.
Nous avons une colonne vertébrale incroyable grâce à la direction de Swatch Group qui soutient la marque et non parce que nous sommes les plus grands. Mais parce que nous avons des idées et que nous les développons. Ce matin, j'ai eu une discussion depuis mon lit, mais il ne savait pas que j'étais dans mon lit [rires], et un de nos fournisseurs m’a dit : "J'ai besoin de plus de soutien de votre part". Et la réponse a été positive parce que nous voulons nous développer et que je veux cette approche à 361 degrés, et je pense que le secret de cette approche ne figure pas toujours dans les livres.
JS : Quel est le dernier niveau de la stratégie à 361 degrés ?
RA : Le dernier niveau, ce degré magique - en fait je l'appelle le "degré Omega" - c'est celui qui fait toute la différence. C'est une question d'esprit et de leadership. Il s'agit de notre marque. Je pense que vous verrez - vous avez mentionné Snoopy et également Speedy Tuesday, et vous connaissez très bien les montres. Disons qu'un CEO d'une autre marque va voir son responsable de produits pour lui dire : "Fais-moi une Speedy Tuesday." Une fois que c’est fait, il lui dit : "Ok, prends cette pièce et balance la sur Instagram." Ce gars devrait être viré parce que la Speedy Tuesday n’est pas seulement une histoire de succès commercial, il ne s’agit nullement de vendre n’importe quoi à n’importe qui.
Il fait avoir le bon produit au bon moment, échanger avec les communautés et parler à des gens qui sont dans la demande d’un produit particulier, "Wow ! J'ai besoin de cette montre." Pour moi, tout commence par le respect, le fait d'avoir la meilleure équipe, l'histoire, puis, par la suite, la passion qui s'ajoute à tout cela - en plus d'être soutenu par une gamme incroyable de boutiques, de fournisseurs et de publicité ! Regardez la pub avec Daniel Craig. Il n’y avait rien d’écrit du style : "Allez dans la piscine pendant 5 heures." Il y a bel et bien une relation qui nous amène chaque jour à un niveau supérieur. Et c'est une grande fierté.
L’un de mes plus grands sentiments de fierté que nous puissions de faire les choses avec passion, mais d'abord de faire ce qui est juste, donc ce n'est pas seulement une affaire de passion. Je suis parfois très difficile avec ces critères. Je dis : "Ne commencez pas avec Speedy Tuesday 3, un jour sans doute oui, mais faites-la encore mieux qu'Ultraman !" Et tout le monde me regarde en me disant : "Wow, l’affaire est pliée. Alors, si nous ne pouvons faire mieux, autant ne pas commencer ." Donc, désolé, il n'y a pas de recette. Et s'il y en avait une, je ne vous le donnerais pas.
JS : Mais si vous regardez ces pièces, je peux vous dire que vous en êtes satisfait. Mais, êtes-vous jamais satisfait à 100% ?
RA: Non, je ne suis jamais content.
JS : Jamais !?
RA : Non, comment le pourrais-je ? Parce que je pense que je suis quelqu'un d'impatient, peut-être pas autant que M. Hayek, mais je suis assez impatient. Pour autant, je suis content car je note que les listes d'attente sont longues comme un jour sans pain, mais il y a aussi des gens qui me reprochent certaines de mes décisions et actions. Bon nombre d'entre eux ne comprennent pas qu'il y a une réalité derrière cs voeux pieux.
JS : Vous avez beaucoup parlé de la communauté des collectionneurs, et je pense qu'Omega a fait un travail phénoménal en touchant la communauté des collectionneurs dans son ensemble. Forums, sites Web, réseaux sociaux, vous les avez tous réunis.
RA: Je suis d'accord, et vous savez pourquoi ? Je pense qu’un de nos atouts est aussi d'être transparent. J'adore expliquer, j'adore parler, j'adore montrer, et même si nous ne faisons peut-être pas tout bien, mais nous le faisons parce que nous y avons pensé. Et je pense que nous disposons aujourd’hui d’une solide assise dans ces communautés. Et j'aime ces gens. J'adore les gens qui comme vous montrent leur montre, et ont une vie pleine, mais c'est juste une montre dont ils ont besoin, et boom Ils l'achètent !
JS : Parlons de Bond. Au cours de toutes vos années chez Omega, avez-vous des histoires sur Daniel Craig alias James Bond à nous raconter ?
RA: Oui, j'en ai beaucoup [rires]. Lorsque nous l'avons rencontré à l'hôtel Beekman, ce fut, pour moi, l'un des moments forts de ma carrière en tant que nouveau président et CEO, car il s'agissait de créer quelque chose autour de sa passion des montres, quelque chose de plus que d'être James Bond et je pense que ce fut un très bon moment de partage.
Pour moi, cela revient précisément à ce que vous avez dit au sujet de la communauté. Ce fut en quelque sorte la première fois où nous avons amené M. Graig dans cette communauté dont il est membre à part entière. Pour plusieurs raisons. Premièrement, c'est James Bond et, deuxièmement, il adore les montres. Donc, c'était un vrai win win. Et toujours dans la lancée, il est question de la nouvelle campagne de la Seamaster 300m avec M. Graig, ce qui sera la première campagne avec ce garde-temps. Ce n'est du reste pas la montre à laquelle il est habitué. Et notre partenariat se poursuivra jusqu'à son prochain film. Nous sommes donc extrêmement heureux de son engagement envers Omega. Un rôle qui dépasse largement celui de simple ambassadeur.
JS : Dernière question, vous êtes sur le paquebot Omega depuis 22 ans ? Donc, naturellement, vous avez vu beaucoup de choses. A votre avis, qu'est-ce qui fait qu'une montre Omega qui pourrait être sous-estimée ou mal comprise ? Qu’est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous vous demandez : "Pourquoi ne suis pas parvenu à concrétiser cette idée ? Pourquoi cette pièce n'est pas devenue la Omega Snoopy ?"
RA : C'est une excellente question. Je crois sincèrement que dans la collection moderne, notre ligne Vision était peut-être une ligne qui est arrivée trop tôt. Il y avait une longue tradition de fabrication de la De Ville dans notre collection de montres classiques, et il ya beaucoup de demandes pour les montres classiques. Et je pense que la création de notre Vision (collection) avec un saphir qui mettait davantage en exergue la montre, et pas seulement en édition limitée, était peut-être prématurée pour proposer de genre de montre très élégante.
Je crois vraiment qu'il y a un potentiel important dans les montres épurées très, classiques, mais la Vision nous a donné l'impression que les gens n'étaient pas réceptifs à notre offre. Donc, pour moi, je pense qu'il nous manque encore un peu de succès dans ce segment. Vous voyez des gens venir avec une vieille Seamaster, une montre très traditionnelle avec une longue histoire à raconter propre à l'esprit des collectionneurs. Pour la Vision, le succès aurait dû être au rendez-vous, mais c'était peut-être trop tôt. Et à l'époque, le lien avec tout l'ADN n'était sans doute pas suffisant. Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je pense que la Speedmaster n'a pas été appréciée à son niveau actuel au cours des 20 dernières années. La Speedmaster est presque l’égale à la Seamaster aux États-Unis.